Le spectacle fascinant du Mont Bromo

    Pour la première fois dans notre périple, nous prenons le train pour rejoindre la ville de Malang depuis Yogyakarta. Java dispose d’un bon réseau de voies ferrées pour des prix vraiment attractifs. Connaissant l’aptitude des chauffeurs de minivan à se prendre pour des pilotes de rallyes, nous allons essayer ce nouveau moyen de transport.

À notre grande surprise, les wagons de la classe la moins chère sont assez confortables et par chance, nous n’avons personne en face de nous dans un emplacement pour 4. Nous pouvons donc nous étaler. L’inconvénient mais aussi l’avantage du train en Indonésie, c’est qu’il n’est pas très rapide (7h pour un peu plus de 300 km). Cela nous laisse le temps, quand nous ne dormons pas, de regarder par la fenêtre les paysages magnifiques.

Quelques séquences paysages du trajet:

 

Arrivés à Malang, nous avons rendez-vous chez Yhosie. Elle habite chez ses parents avec son mari et ses deux jeunes enfants et a eu l’idée de mettre à disposition des voyageurs les chambres de ses frères qui ont quitté la maison. Nous nous retrouvons ainsi à vivre avec la famille. C’est beaucoup plus chaleureux que d’être dans la chambre d’une guesthouse sans charme. En plus, sa Maman prépare un petit-déjeuner local vraiment excellent et plutôt conséquent !

Malang n’est pas une ville très touristique mais on y flâne volontiers. Il y a de belles mosquées, de jolies petites rues, un marché aux fleurs et un marché aux oiseaux un peu moins triste que celui de Yogyakarta. Depuis que nous sommes en Indonésie, nous avons l’impression que les oiseaux font partie intégrante de la culture locale. Nous voyons partout des cages accrochées aux façades des maisons, des vendeurs d’oiseaux sur les trottoirs et des gens transporter leurs oiseaux à moto, soit avec la cage à la main, soit avec la cage en sac à dos.

Nous avons choisi cette ville comme camp de base pour aller au Mont Bromo. Ce volcan, qui porte le nom du dieu créateur hindou Brahma (Bromo en prononciation javanaise) se trouve dans le parc national du Tengger Semeru. Il est toujours actif et sa dernière grosse éruption date de 2011. Depuis 2015, un gros panache de fumée sort continuellement de l’énorme cratère de 800m de diamètre ce qui indiquerait l’intensification de son activité. L’accès est censé être fermé mais le business a l’air de l’emporter sur la sécurité.

Le parc national du Tengger Semeru est aussi connu pour sa mafia ; tout est fait pour obliger le touriste à passer par une excursion organisée qui coûte vraiment cher. À écouter certains locaux, les routes ne sont pas praticables pour y aller, il faut obligatoirement une Jeep, ce n’est pas faisable à moto, c’est dangereux… Nous avons lu plusieurs blogs de personnes qui y sont allés par eux-mêmes et qui n’ont pas eu plus de difficultés que ça pour atteindre le volcan. Ils en sont mêmes revenus vivants 🙂 . Qu’importe ce que disent les mafieux, nous irons par nous même avec notre petit scooter et tenterons d’avoir le moins possible à faire à eux.

Nous partons donc de bon matin à scooter en direction de la petite ville de Cemoro Lawang qui se trouve tout proche du volcan. Il y a deux itinéraires pour atteindre ce village depuis Malang. Le plus court mais aussi le moins praticable consiste à traverser le parc national du Tenger Semeru par le Sud ou la plus longue qui consiste à faire tout le tour par la route. Nous choisissons la plus courte.

En route, nous croisons des groupes de moto-cross et des gros 4×4 préparés pour le franchissement. En voyant ces véhicules, nous commençons à douter de la capacité de notre scooter à traverser le parc. Après une trentaine de kilomètres, nous sommes sur une petite route, les virages s’enchainent et là… barrière de péage.

Nous avons été naïfs. Nous pensions qu’en passant par ce côté moins praticable, nous serions tranquilles mais non ! La « mafia du Bromo » est là et nous demande de payer plus de 50€ pour entrer dans le parc national. Pour les locaux, c’est 10 fois moins cher. Nous expliquons que nous n’avons pas assez d’argent pour payer ce droit d’entrée (ce qui est vrai) mais rien n’y fait. Nous rebroussons chemin et n’avons pas le choix que de faire le grand tour.

Après 140km et presque 4h de route (et les fesses en compote), nous arrivons au village de Cemoro Lawang. Pour la première fois depuis que nous louons des 2 roues, Marion doit descendre car la pente est tellement raide que notre scooter ne veut plus rien savoir (pour les mauvaises langues, je n’ai pas pris 1 gramme, j’en ai même perdu 😉 ). À la décharge de notre Honda Beat 125cc, les motos à vitesses des locaux ne montent pas mieux. On comprend pourquoi les gens d’ici n’ont que des gros 4×4 !

Les hôtels étant trop chers dans ce village (surtout que nous n’allons dormir que quelques heures), c’est un rabatteur qui nous trouve une chambre avec salle de bain et eau chaude (toujours agréable lorsqu’on est en altitude et plutôt rare en Indonésie) pour 3 fois moins cher que ce que nous avons vu auparavant. On prend !

Avant de continuer, il nous faut faire une petite mise au point technique. Le parc national du Tengger Semeru est une immense caldeira de 16km de diamètre. C’est à dire qu’à une époque, c’était un énorme volcan. Puis lorsqu’il est entré en éruption, la cavité qui contenait le magma s’est vidée puis affaissée. Il s’est alors formé ce qu’on pourrait appeler un énorme cratère à fond plat. Depuis, de nouveaux volcans se sont formés à l’intérieur de cette caldeira comme le Semeru qui est le plus haut sommet de Java ou le Bromo.

Avant que la nuit ne tombe, nous partons repérer les lieux. Nous avons entendu parler d’un chemin d’accès à la caldeira qui permet de ne pas avoir à passer devant le péage et nous voudrions le trouver dès ce soir.

En continuant notre promenade, nous longeons les champs d’oignons qui bordent la falaise et tombons sur un panneau que nous n’aurions jamais dû voir. Il indique que le sentier sur lequel nous sommes et qui a l’air de descendre dans la caldeira est réservé aux locaux et interdit aux touristes.

Une trace de pneu dans la terre nous indique qu’une moto a dû l’emprunter récemment. C’en est trop. Je décide de descendre pour voir si ce chemin mène bien dans la caldeira et s’il est possible de le prendre avec notre scooter. Ce serait parfait pour nous car cela nous permettrait de descendre dans la mer de sable avec le scooter sans avoir à passer à la caisse de la mafia du Bromo (l’autre voie d’accès secrète n’est faisable qu’à pied) mais cela nous permettrait surtout de rentrer à Malang sans avoir à faire le grand tour de 140km.

En effet, ce chemin descend bien dans la caldeira, par contre, il est vraiment pentu. Par moment, il se transforme en une ornière très profonde et il y a aussi plusieurs marches assez hautes à passer ainsi que plusieurs virages en épingles où il faudra manœuvrer. L’autre problème, c’est qu’une fois lancé dans la descente, il ne sera pas possible de faire demi-tour.

Ça fait beaucoup de difficultés mais ça se tente. La dernière complication et non des moindres, c’est Marion. Elle est restée en haut pour faire un croquis du paysage. Déjà qu’elle n’était pas partante pour tenter la descente à la vue du panneau, si je lui explique tout ça, ce n’est même pas la peine d’y penser. Je la rejoins et lui dit que ça devrait se faire sans problème mais qu’il faudra qu’elle descende du scooter. Ça semble passer (le fourbe…).

2h du matin, nous sommes réveillés. Nous avions mis le réveil à 3h mais c’était sans compter sur le va-et-vient incessant des moto-cross et des Jeep qui passent dans le village. Les tours pour les touristes commencent tôt car ils traversent la mer de sable de nuit pour accéder à un point de vue d’où l’on peut admirer le Bromo au lever du soleil. Ce point de vue se trouve sur le Mont Pananjakan, une montagne qui surplombe toute la caldeira.

Nous attaquons l’ascension dans la nuit noire et nous arrêtons un peu avant le sommet pour ne pas nous retrouver avec toutes les Jeep. À l’endroit où nous sommes se trouve un petit « commerce » de boissons chaudes  tenu par Mariono que nous reconnaissons pour l’avoir vu en photo sur un blog. Il en train de se réchauffer autour d’un feu de bois avec d’autres locaux. Nous reviendrons le voir plus tard.

Pour le moment, le spectacle se trouve en face. Le soleil est en train de se lever derrière un gros nuage d’orage dans lequel nous apercevons de temps en temps quelques éclairs. Le paysage devant nous s’éclaircit petit à petit. Le Bromo qui crache son énorme panache de fumée apparaît avec à ses pieds une mer de nuages qui recouvre la plaine et en arrière-plan, le mont Semeru. Les couleurs changent en permanence. Nous commençons à avoir vu beaucoup de levers du soleil depuis le début de notre voyage mais celui-ci est vraiment très beau. C’est difficile de décrire ce que nous voyons et ressentons devant ce genre de scène puisque nous n’avons pas forcément les mots pour le dire. Même les photos ne retranscrivent pas totalement la réalité, alors voici un petit lien vers un superbe article où vous pourrez également voir Mariono : www.empreintedasie.com

Mariono, c’est vers lui que nous nous dirigeons une fois le paysage totalement illuminé, afin de nous réchauffer autour d’un café. Nous l’avons reconnu avec sa petite moustache mais vérifions tout de même que nous avons bien à faire à lui. Il nous le confirme. C’est lui en personne ! Nous lui expliquons alors que nous le connaissons par internet et lui montrons le blog où il est en photo. Il devient alors fou de joie et appelle ses amis pour qu’ils voient également les photos. Il leur parle en javanais mais nous entendons plusieurs fois le mot « internet ». On imagine qu’il est très heureux d’avoir sa photo en ligne. Avant de redescendre, nous prenons quelques photos de ce sympathique personnage qui lève les bras au ciel en s’exclamant « I am Mariono ».

Le moment de vérité est arrivé. Nous récupérons notre scooter et nous dirigeons vers le passage interdit aux touristes. Vous savez, le panneau que l’on n’a pas vu. Nous ne perdons pas de temps pour éviter de trop se faire voir. Marion descend du scooter, je coupe le moteur et me lance dans la descente. Rapidement, je me retrouve coincé dans une ornière. La béquille frotte d’un côté et le pot d’échappement de l’autre. Il faut que Marion pousse pour me sortir de là. Ça descend à pic. Je roule au ralenti tout en étant cramponné aux freins et bien assis à l’arrière du scooter. Vient la première épingle. Ça passe. Puis la seconde qui est plus resserrée. Je me retrouve en perpendiculaire de la pente. Il faut faire de nombreuses petites manœuvres pour arriver à me remettre dans le bon sens. On retraverse une ornière très profonde. C’est maintenant le guidon qui frotte de chaque côté. Nous sommes presque en bas. Il ne reste plus qu’à passer une grosse marche. Le dessous du scooter vient se poser sur le rocher mais après une bonne poussette de Marion, ça passe. On a réussi ! Nous sommes au fond de la caldeira après une bonne montée d’adrénaline.

Nous sommes devant un immense terrain de jeu, alors avant d’aller en direction du Bromo, nous en profitons pour « naviguer » dans cette mer de sable. Quel plaisir ! Il n’y a pas de limite si ce n’est l’adhérence de notre scooter. En plus, nous sommes seuls !

(Une fois que Damien a bien fait le foufou dans cette immensité sableuse,) nous partons en direction du Bromo qui se trouve au centre de la caldeira. En chemin, nous croisons plusieurs cavaliers au milieu de nulle part. Les chevaux au galop soulèvent une épaisse poussière grise dans leur sillage.

Nous arrivons au niveau du parking où toutes les Jeep se sont garées. Il y a également beaucoup de chevaux. Il faut dire que l’endroit est très touristique et que les indonésiens préfèrent parcourir les 300m jusqu’à l’escalier à dos de cheval plutôt qu’à pied. Et oui, il y a même un escalier qui permet de monter jusqu’au sommet du cratère.

De là-haut, le paysage est lunaire. Tout est sombre, désertique, poussiéreux et les reliefs sont acérés. En contrebas, il y a un temple hindou en hommage à Brahma. C’est assez surprenant de le voir perdu en plein milieu de la caldeira.

De l’autre côté, il y a le cratère. Difficile de le rater avec ses 800m de diamètre, son énorme colonne de fumée qui s’échappe et son grondement puissant. On se demande jusqu’à quelle profondeur descend ce trou béant et ce qui se trouve au fond. C’est très impressionnant et bien que le garde nous ait dit de ne pas nous attarder là-haut, nous restons de longues minutes à contempler ce spectacle comme si nous étions devant un feu de cheminée.

Au bord du cratère, il y a également un vendeur de bouquets de fleurs. Ce sont des offrandes que les gens jettent dans le cratère. Mais c’est tellement grand qu’il est impossible de les envoyer directement dans le trou. Alors, dès que les gens repartent, il franchit le garde-fou et descend dans le cratère pour récupérer les bouquets et les vendre de nouveau.

Pour vous donner un aperçu de la vue lorsque l’on est au bord du cratère. Il vous manque juste les tremblements sous nos pieds:

Au bout d’un moment, il nous faut redescendre. Il est désormais presque 8h et de nombreux cavaliers sont arrivés. Ils ont le visage marqué, certainement à cause du soleil. Les chevaux attendent patiemment des clients à transporter.

Nous prenons maintenant la direction de Malang. Pour cela, il nous faut faire le tour du volcan par le Sud et donc rouler de nouveau dans la mer de sable. De ce côté, il y a une piste très poussiéreuse qui est empruntée par les locaux. Ça nous rappelle nos escapades au Laos sur les pistes de terre où l’on se retrouvait dans un épais brouillard à chaque fois que nous croisions un véhicule.

Dans la mer de sable à moto:

 

Dès que nous passons derrière le volcan, le paysage change complètement. Cette zone de la caldeira s’appelle la savane. Il n’y a plus de sable mais de la terre noire humide recouverte d’une végétation verdoyante.

Nous finissons par rejoindre la sortie du parc national et repassons donc devant le péage où nous sommes passés hier. On ne s’attarde pas pour ne pas que les gardes nous reconnaissent ou nous demandent nos tickets (ralala, les délinquants !). Nous rabattons nos visières et regardons droit devant. Ça y est, nous sommes sortis de ce magnifique parc et avons réussi à éviter la « mafia du Bromo ». Victoire !!!

Nous passons au milieu de cultures qui sont implantées sur les pentes verticales des montagnes. Nous sommes face à un patchwork de petites parcelles vertes où les gens travaillent la terre au bord du précipice.

Nous avions prévu de passer 2 jours autour du Bromo au cas où la météo ne soit pas bonne. Comme le soleil était au rendez-vous, nous profitons de ce jour supplémentaire pour rallier la côte Sud de Java. Le problème ici, c’est d’une part les vagues qui ne permettent pas la baignade mais également « le racket javanais » qui atteint dans cette région son paroxysme. Lorsqu’on a voulu aller sur la plage, il a fallu payer, lorsqu’on a voulu entrer dans un village de pêcheurs, il a fallu payer, lorsqu’on a voulu aller au port, il a fallu payer, et lorsque l’on a enfin trouvé un endroit isolé où l’on a pu s’asseoir pour regarder la mer, un policier est venu à notre rencontre au bout de 10 minutes pour nous dire de partir si l’on ne voulait pas prendre de PV.

Dès le lendemain, nous rentrons donc à Malang pour retrouver Yhosie et sa famille.

Et devinez quelle sera notre prochaine étape à Java. Pas d’idée ? Bah ce sera un volcan bien sûr ! Et pas n’importe lequel. Le Kawah Ijen et ses porteurs de soufre.

3 réflexions sur “Le spectacle fascinant du Mont Bromo

  1. ooo lala les amis … c est magnifique !
    Profitez bien, le monde est beau et grand.
    Et vos jambes sont fières et robustes.
    Courrez petits lapins, la vie n’attend pas demain 🙂

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